Labyrinthe XXII

Sprachgitter

 

 

STIMMEN
SCHWEIGEN
LICHT
VERGESSEN
ASCHE
VOIX
SILENCE
LUMIÈRE
OUBLI
CENDRE

 

 

 


 

 

 

 

60 × 60 × 6 cm - Bois, caillou, feuille d'or, vernis mat - mai 2017

 

Ce Labyrinthe est un hommage à l'immense poète juif d'expression allemande Paul Celan. Rescapé de la Shoah, il sut exprimer l'indicible de manière sublime, avec une poésie d'une force rare ! démentant le fameux adage d'Adorno – que je récuse énergiquement ! – : « Écrire un poème après Auschwitz est barbare...»

Pour le plan du Labyrinthe, je me suis inspiré des camps de la mort (voir photo ci-dessous), avec cette perspective dure, méthodique et désespérante. 

Pour l'aspect, le bois brûlé m'intéressa pour deux raisons. D'abord, il allie une dimension esthétique (toujours importante) avec les craquelures et les brillances charbonneuses créant un beau contraste avec l'or des lettres. À propos de celles-ci, j'ai hésité à employer de la feuille d'argent, mais cela aurait trop rappelé les pompes funèbres, ce qui me semble une forme, peut-être pas de banalisation, mais au moins de normalisation  ce qui constitue une réduction de l'amplitude de cette tragédie, hors de toutes normes.

Ensuite, les traces de brûlures symbolisent assez justement la nature du drame représenté, le feu étant le facteur le plus puissant de la destruction totale  avec un rappel mémoriel de ce que furent aussi les grands pogroms dans les périodes précédentes.

Pour finir, je reproduis ici un courriel, envoyé le premier jour du travail, à un ami ayant perdu une bonne partie de sa famille là-bas. Il me semble bien résumer mon état d'esprit.


 

        à Jean Zilberman, le 8 mai 2017 :
 

J'ai commencé aujourd'hui la fabrication d'un Labyrinthe ; celui en hommage à Paul Celan. La conception date d'il y a plusieurs mois, et je pensais que ce serait "facile" à réaliser, parce que très simple (par rapport aux autres). Ça ne l'est pas. Je suis dans un état de nervosité inhabituel et, cet après-midi, j'ai réussi à rater des actes simples, comme planter des clous, à plusieurs reprises. J'ai même failli balancer l'objet à travers mon grenier/atelier, au milieu de jurons, tant ça me mettait en rage. Je crois que le dibbouk qui habituellement me rend si maladroit a probablement fait appel à quelques malfaisants "collègues", pour la circonstance. Elle est particulière.

Ce soir, je suis remonté pour le voir et cela m'a apaisé. La construction en bois est terminée. En passant mes doigts sur l'alignement des parois, je l'ai faite chanter, comme une lyre [ce qui m'a donné l'idée d'en faire le morceau d'accompagnement, à écouter ci-dessous]. Il y a juste 3 rangées de 7 parois identiques, parfaitement alignées. C'est une image évoquant les baraquements d'Auschwitz. Cela convient aussi au titre, reprenant celui de son ouvrage : "Sprachgitter / Grille de Parole".

J'ai d'abord pensé tout peindre en gris militaire, mais, récemment, j'ai eu une autre idée. Je vais le brûler. Pas le détruire ! mais en surface, au chalumeau, pour que le bois soit noir et craquelé. Dessus, je collerai les lettres des mots en doré. Comme toujours, il y en aura 5 : "Stimmen / Voix", "Licht / Lumière", "Vergessen / Oubli", "Schweigen / Silence" et "Asche / Cendre". J'ai hésité entre "cendre" et "cendres", mais j'ai pensé que le premier singulier était plus respectueux, avec le retrait nécessaire. Le second au pluriel me semblait plus tape-à-l'œil, moins réfléchi - et peut-être tabou.

Je pense qu'il sera fini demain [cela prit 2 semaines, en tout]. Je suis inquiet du résultat, car j'en attends beaucoup. Il ne s'agit pas pour moi "d'être à la hauteur" !  ce qui serait juste un leurre de l'orgueil  mais d'effleurer de mes doigts d'artiste les mots figés d'un autre artiste, de ce qu'il parle, comme il le parle, pour en faire sonner et résonner une sorte d'échos.

 

morceau d'accompagnement à écouter en regardant la suite des photos :
Holz Stimme vor den Flammen / Voix de bois avant les flammes

 

 

 

Le Labyrinthe à l'état brut.
C'est avec cet "instrument" que j'ai enregistré l'impro sonore, en effleurant juste les doigts sur le bois.
Ce me semble être un bon accompagnement à la méditation par rapport à ce Labyrinthe.
 

 

 

Brulage au chalumeau.

J'ai songé, le faisant, à la chanson en yiddish de Mordechai Gebirtig : Undzer shtetl brent ! / Notre village brûle !

 

 

 

 

 

Les petites lettres en bois sont collées sur la feuille d'or.

 

 

Voix, lumière, silence, oubli, cendre.

 

 

Le petit caillou posé (collé) sur le Labyrinthe, à la manière juive d'honorer les disparus en en posant un sur les tombes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vue aérienne d'Auschwitz dont je me suis inspiré pour le plan du Labyrinthe

 

 

Plan de conception :

 


 

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