Il s'agit ici d'un épisode fameux mettant en scène Abraham – le patriarche des monothéismes subsistants de nos jours : judaïsme, christianisme, islam – et son fils. Son histoire est racontée dans la Genèse (11 à 25) et reprise dans le Coran, mais son historicité n'est pas établie. Peu importe, finalement, l'essentiel étant l'enseignement que l'on peut en retirer.

Abraham est celui à qui D.ieu se révèle et qui va propager ses préceptes auprès des humains. Il aura un premier fils (à 85 ans) : Ismaël, né d'une servante et considéré comme le père de la nation arabe. Quinze ans plus tard, après l'Alliance que D.ieu passe avec lui et sa descendance, sa femme légitime (90 ans) met au monde Isaac. Lorsque celui-ci atteint l'adolescence, D.ieu commande à Abraham d'aller le sacrifier. Abraham obéit, mais, alors qu'il s'apprête à l'égorger, un ange arrête son bras et l'épreuve absolue de soumission à D.ieu. Un bélier sera sacrifié en remplacemet. La plupart des musulmans pensent que c'est Ismaël qui fut le fils à sacrifier (le Coran ne cite aucun nom), mais je suis chrétien et m'en tiens donc à ma tradition.

J'ai hésité pour le titre entre trois versions : le Sacrifice d'Isaac (puisque c'est lui qui doit être sacrifié), le Sacrifice d'Abraham (puisque c'est lui qui fait le plus grand sacrifice), le Sacrifice d'Ibrahim (selon la forme arabe du nom, puisque le texte est en arabe). Cela n'importe pas tant et chacun peut dire ce qu'il préfère. Le mot qui compte, c'est : le Sacrifice ! Tout est là. C'est d'ailleurs un point essentiel commun entre les tableaux de cette série.

J'avais décidé de prendre un texte du Coran pour mettre l'accent sur ce qui uni les monothéismes et le premier verset s'imposa immédiatement, de lui-même. Dès lors, l'accent est mis sur la position du père, primant sur celle du fils qui n'est pas véritablement acteur de ce qui se passe – d'autant qu'il est attaché, dans le récit biblique. Je n'ai pas repris les liens sur le tableau, d'abord par rejet de tout accessoire (susceptible de perturber la méditation à laquelle j'invite qui regarde) – et du reste, le couteau non plus n'est pas visible, la main qui le tient étant caché par le vêtement –, et ensuite pour associer le fils au Sacrifice du père, dans une même acception, et plus encore : dans une même confiance. Ce fils, c'est la descendance spirituelle dont les croyants font partie, et il importe à chacun de renouveler cette confiance volontaire. C'est aussi pourquoi je ne place pas la scène représentée au moment où l'ange intervient, où l'on est soulagé, mais avant, alors que toute l'horreur de ce qui se prépare semble inévitable.

Le choix de cette scène fut aussi motivé parce que c'est un grand thème maintes fois traîté par les artistes au cours des siècles, et que je voulais m'associer (et me mesurer) à cette grande et belle chaîne.

(Bismi Allahi alrrahmani alrrahimi)

Au nom de D.ieu, le Clément, le Miréricordieux.

Il s'agit du commencement du Coran. Outre l'aspect symbolique d'en écrire les premiers mots, je les ai trouvés tout à fait au cœur de la situation. Sur le tableau, j'ai reproduit une composition calligraphique du XIème siècle.