Je ne me suis jamais intéressé qu'à des sujets humains, et l'approfondissement de cette approche est passé, comme c'est souvent le cas, par moi-même, par le biais de l'autoportrait, en diverses situations, selon les circonstances. Il s'agira, pour être artistiquement adulte, de passer outre sa petite personne, de se dépasser ! si l'on veut sortir de l'anecdotique pour atteindre l'universalité. Intégrer soi à soi, afin que soi ne soit plus un élément de portée, mais un élément porteur. Notre moi profond n'est plus un objet sur lequel on travaille, mais un outil dont on se sert pour travailler. Dans mon cas, cette maturité viendra plus tard, lorsqu'après cette dernière phase de Pubarté, je me suis rangé pour me consacrer plus efficacement à des sujets plus conséquents (plus universels et moins personnels).

Le chemin du regard porté sur les autres n'est pas moins difficile. La manière dont on leur prête attention n'est pas étrangère à la manière dont eux nous perçoivent. C'est un jeu de miroirs sans fin. Les gens qui posent ont souvent cette sourde crainte, plus ou moins consciente, de perdre (ou trop découvrir) une part de leur moi profond que l'artiste leur volerait malgré eux, au seul profit d'un obscur dessein échappant à tous. Il apparaîtra peut-être ici, au travers de tous, que c'est l'artiste qui leur livre en pâture une plus grande part de sa propre intimité.

Ce portrait marque pour moi la fin d'un cycle. Parce que je l'ai trouvé très réussi, je n'ai pas eu envie de poursuivre dans cette voie – ce qui aurait été assez facile. On verra que j'ai quand même repris le principe de déformation morphologique, qui accentue la perception corporelle du personnage, pour le tableau : « Amfortas ». Je pense aussi que l'on en verra d'autres. Mais enfin, je sentais alors qu'il fallait passer à un stade supérieur en prises de risque et difficultés, ce qui débouchera sur des sombres tableaux carrés peints a tempera,  la série : « Vendredi Saint ».