des Choses à Dire

23 - Moi j'en fais autant

 

 

 

 

Mai 2009. Medium, craie d'art / Huile sur toile sur contre-plaqué / cadre doré.

On peut bien sûr prendre la chose de différentes manières ; par exemple comme un challenge contorsionniste… Néanmoins, dans mon esprit – qui laisse à celui de chacun/e toute liberté de reconstruction perceptive – c'est plus la déconsidération technique qu'un certain type de public porte à certains artistes. Picasso est le plus grand, à mes yeux, et nombre de ses œuvres essuient encore de tels crachats. Je lui rends donc hommage en reproduisant l'Acrobate bleu, que j'ai (un peu plus) déformé pour le faire rentrer dans un carré (voir l'original ci-dessous).

Les peintures de Picasso sont toujours des compositions acrobatiques, dont l'équilibre est aussi savant que naturel, pensé que spontanné.

Je me souviens d'avoir vu à Paris son Bordel philosophique (de la rue d'Avignon) – bêtement renommé : les Demoiselles d'Avignon – et d'avoir entendu des commentaires outrés sur cette manière invraisemblable de représenter le corps féminin… J'étais alors sorti pour acheter des boules Quies et suis revenu ensuite pour contempler plus tranquillement le chef-d'œuvre. Depuis, je tâche d'en porter à chaque exposition que je vais voir.

Il m'arriva une mésaventure similaire (après avoir fait cette œuvre, et la confortant) lors de la superbe rétrospective Basquiat, à Paris. Une mère de famille, accompagnée de deux enfants (de moins de 10 ans), dit à l'un d'eux : «Tu vois mon chéri, tu pourrais en faire autant, si tu voulais...» Je me suis alors tourné vers elle et lui ai lâché d'un ton colère : «Vous ne pouviez pas dire quelque chose de plus idiot !» Je pense en effet qu'il est plus facile de faire une contorsion comme l'acrobate de Picasso que d'avoir peint un tableau de la sorte. Les gens imaginent que le reproduire ne comporte pas de grosses difficultés techniques, sans avoir la présence d'esprit de réaliser que l'avoir créé, en son temps, est une toute autre affaire...

Cette œuvre fait suite aux 14 et 21, comme réflexion sur l'œuvre d'art considérée selon le point de vue du public (très) ordinaire. Ici encore, j'ai recours à un certain procédé pour adapter mes critères imposés d'objet en situation d'expression, puisque la toile (volontairement laissée brute pour laisser voir l'envers du décors, ne badigeonnant l'enduit que sur les parties à peindre) correspond au fond, l'objet étant la peinture elle-même.

Pour le fond général, je voulais un tracé vif et ai pris pour modèle une de ses gravure sur lino : Faune et chèvre (1959). Ce n'est pas très réussi, mais ce n'est pas fait pour être vu.

Autres textes envisagés : Mon gosse en fait autant / Picasso ? J'en fais autant !

 

 

Pablo Picasso - l'Acrobate bleu

1929 - 162 × 130 - Musée Picasso - Paris