septembre 2001
J'apprécie beaucoup, depuis très longtemps, l'univers déjanté du mouvement DaDa, quel que soit le médium employé. Je l'ai revisité dans des travaux divers, comme un Labyrinthe ou une Vénus, entre autres. |
Je peux également dire que mes toutes premières œuvres, lorsque j'étais en seconde, y ressemblaient fort – sans le savoir, à l'instar d'un monsieur Jourdain de l'art moderne... Je m'en souviens surtout de deux. La première consista à casser de vieux balais et les accrocher aux murs du petit local d'études en scandant : « Les balais : du balais ! » (et inversement...) |
Pour l'autre, je pris un cintre en fil de fer dont je fis d'abord une tige droite (sauf le crochet). Puis je la tordis bizarrement, pour ensuite y accrocher une pomme, avec une ficelle, et encore une autre ficelle en dessous où j'ai collé une petite étiquette avec la mention : « Pomme accroché à un cintre tordu. » |
Et donc, le même jour que l'enregistrement du Nerval précédent, « el Desdichado », nous fîmes aussi ce Tzara, avec l'ami Tristan Pichard ; l'environnement sonore ressemblant plus à du bruitage – du tapage DaDa ! – qu'à de la musique concrète. |
Sur le moment, je
n'ai pas été très emballé – alors que Tristan l'aimait bien –,
et l'ai délaissé, sans vouloir
le publier ; comme un échec. |
Ce n'est que 12 ans plus tard, en novembre 2013, après avoir fait l'animation pour le Nerval, que j'ai réécouté ce morceau, pour voir s'il y avait moyen d'en faire quelque chose, finalement – pensant à une vidéo. Et là il m'a plu ! |
J'ai tout de suite pensé à des images de vieux films, allemands ou russes. Et j'ai trouvé celui de Dziga Vertov (que je ne connaissais pas) : « L'homme à la caméra » (1929), dont la photographie m'a enthousiasmée, et dont je me suis servi pour faire un remontage pour la totalité de la vidéo. En passant, ce fut mon plus gros travail de cet ordre, ne disposant pas du tout de logiciels performants pour ce faire. Mais enfin, mes efforts (et galères) ne furent pas vains car le résultat me plut beaucoup. Du reste, c'est la plus grosse audience sur ma chaîne YouTube ! C'est une des rares fois où la mise en vidéo fut une mise en valeur. |
Le texte de Tzara, tiré de son livre : |
L'Homme approximatif |
I - dimanche lourd couvercle |
dimanche lourd couvercle sur le bouillonnement du sang hebdomadaire poids accroupi sur ses muscles tombé à l'intérieur de soi-même retrouvé les cloches sonnent sans raison et nous aussi sonnez cloches sans raison et nous aussi nous nous réjouirons au bruit des chaînes que nous ferons sonner en nous avec les cloches *
quel est ce langage qui nous fouette nous sursautons dans la lumièrenos nerfs sont des fouets entre les mains du temps et le doute vient avec une seule aile incolore se vissant se comprimant s'écrasant en nous comme le papier froissé de l'emballage défait cadeau d'un autre âge aux glissements des poissons d'amertume *
les cloches sonnent sans raison et nous aussiles yeux des fruits nous regardent attentivement et toutes nos actions sont contrôlées il n'y a rien de caché l'eau de la rivière a tant lavé son lit elle emporte les doux fils des regards qui ont traîné aux pieds des murs dans les bars léché des vies alléché les faibles lié des tentations tari des extases creusé au fond des vieilles variantes et délié les sources des larmes prisonnières les sources servies aux quotidiens étouffements les regards qui prennent avec des mains desséchées le clair produit du jour ou l'ombrageuse apparition qui donnent la soucieuse richesse du sourire vissée comme une fleur à la boutonnière du matin ceux qui demandent le repos ou la volupté les touchers d'électriques vibrations les sursauts les aventures le feu la certitude ou l'esclavage les regards qui ont rampé le long des discrètes tourmentes usés les pavés des villes et expié maintes bassesses dans les aumônes se suivent serrés autour des rubans d'eau et coulent vers les mers en emportant sur leur passage les humaines ordures et leurs mirages *
l'eau de la rivière a tant lavé son litque même la lumière glisse sur l'onde lisse et tombe au fond avec le lourd éclat des pierres *
les cloches sonnent sans raison et nous aussiles soucis que nous portons avec nous qui sont nos vêtements intérieurs que nous mettons tous les matins que la nuit défait avec des mains de rêve ornés d'inutiles rébus métalliques purifiés dans le bain des paysages circulaires dans les villes préparées au carnage au sacrifice près des mers aux balayements de perspectives sur les montagnes aux inquiètes sévérités dans les villages aux douloureuses nonchalances la main pesante sur la tête les cloches sonnent sans raison et nous aussi nous partons avec les départs arrivons avec les arrivées partons avec les arrivées arrivons quand les autres partent sans raison un peu secs un peu durs sévères pain nourriture plus de pain qui accompagne la chanson savoureuse sur la gamme de la langue les couleurs déposent leur poids et pensent et pensent ou crient et restent et se nourrissent de fruits légers comme la fumée planent qui pense à la chaleur que tisse la parole autour de son noyau le rêve qu'on appelle nous *
les cloches sonnent sans raison et nous aussinous marchons pour échapper au fourmillement des routes avec un flacon de paysage une maladie une seule une seule maladie que nous cultivons la mort je sais que je porte la mélodie en moi et n'en ai pas peur je porte la mort et si je meurs c'est la mort qui me portera dans ses bras imperceptibles fins et légers comme l'odeur de l'herbe maigre fins et légers comme le départ sans cause sans amertume sans dettes sans regret sans les cloches sonnent sans raison et nous aussi pourquoi chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne sonnez cloches sans raison et nous aussi nous ferons sonner en nous les verres cassés les monnaies d'argent mêlées aux fausses monnaies les débris des fêtes éclatées en rire et en tempête aux portes desquelles pourraient s'ouvrir les gouffres les tombes d'air les moulins broyant les os arctiques ces fêtes qui nous portent les têtes au ciel et crachent sur nos muscles la nuit du plomb fondu *
je parle de qui parle qui parle je suis seulje ne suis qu'un petit bruit j'ai plusieurs bruit en moi un bruit glacé froissé au carrefour jeté sur le trottoir humide aux pieds des hommes pressés courant avec leur morts autour de la mort qui étend ses bras sur le cadran de l'heure seule vivante au soleil *
le souffle obscur de la nuit s'épaissitet le long des veines chantent les flûtes marines transposées sur les octaves des couches de diverses existences les vies se répètent à l'infini jusqu'à la maigreur atomique et en haut si haut que nous ne pouvons pas voir et avec ces vies à côtés que nous ne voyons pas l'utltra-violet de tant de voies parallèles celles qui nous aurions pu prendre celles par lesquelles nous aurions pu ne pas venir au monde ou en être déjà partis depuis longtemps si longtemps qu'on aurait oublié et l'époque et la terre qui nous aurait sucé la chair sels et métaux liquides limpides au fond des puits *
je pense à la chaleur que tisse la paroleautour de son noyau le rêve qu'on appelle nous |