des Choses à Dire

35 - La seule Victoire

c'est de raccrocher les gants

 

 

 

 

 

 

Novembre 2009 (fond sup. : avril 2014). Contre-plaqué, carton, papier, gants de boxe - cadre rouge.

Je n'éprouve aucune attirance pour le monde de la boxe. C'est un système ignoble où des pauvres essayent de s'élever socialement à la force de leurs bras… en cassant la gueule à un frère d'infortune, sous les yeux ébahis d'autres misérables et de nantis qui se gargarisent d'appeler ça : le noble art. Non seulement la boxe n'est pas un art, mais ce n'est même pas un sport ! Dans tous les sports, un professionnel pratique sa discipline par attirance particulière (et même souvent par passion), or personne ne boxe par plaisir ! mais uniquement pour l'argent. Je ne sais plus quel grand boxeur déclara : « N'ayant pas voulu attaquer des banques ou des vieilles dames, j'ai fait de la boxe. » La boxe n'est donc qu'un combat, réel, point. C'est juste une transposition moins radicale des horribles combats de gladiateurs, lesquels attiraient les foules. Sans doute fallait-il cette outrageante hypocrisie (de l'associer au sport) pour couvrir leur malaise – je veux bien sûr parler du malaise d'aimer ça, d'aimer voir ça. En passant, n'oublions pas que les règles de ces combats répugnants sont celles du marquis de Queensberry, lequel fit envoyer Oscar Wilde au bagne parce que son petit démon de fils, lord Alfred Douglas, fut la grande passion de la vie du poète, pour bien plus de malheur que de bonheur… En passant, on peut voir ici le portait que je fis d'eux.

Le sport en général ne trouve pas beaucoup plus grâce à mes yeux parce qu'il tient sur deux principes aussi réducteurs : le corps (la performance physique) et la compétition. J'y oppose l'art qui s'occupe de l'esprit et de partager un bien commun. La civilisation, c'est justement d'arrêter de se taper sur la gueule et réunir les capacités de chacun (sans hierarchie) pour le bien de tous. Les Hommes dignes de ce nom ne sont pas ceux qui vivent plus dans la matérialité (le corps) mais ceux qui accordent la priorité à l'intellect (l'esprit), car le destin de l'Homme est de cultiver son esprit, rien d'autre ne lui étant nécessaire pour être, non pas le plus fort, mais le plus évolué.

Néanmoins, on peut conserver le principe d'une forme acceptable de ce qui fut notre ancienne nature par le jeu, physique ou intellectuel. Hélas, on ne peut que constater que le phénomène déchaîne beaucoup de passions violentes. On pourrait y ajouter la tricherie généralisée… Ce n'est évidemment pas le cas de l'art, qui non seulement ne triche pas, mais encore s'emploie à montrer la vérité cachée des choses.

Tant dans le but que dans les moyens, le sport a donc plus à voir avec notre animalité, tandis que l'art avec ce qui nous en distingue. L'un est plutôt nuisible aux humains et l'autre véritablement utile. Le sport réunit peu d'hommes dans un groupe et en sépare beaucoup par ces groupes mêmes, dans l'affrontement. L'art les réunit tous dans un même état d'esprit. Sans compter que les foules qui font la queue aux expos comportent très peu de hooligans ! mais plutôt des êtres civilisés communiant ensemble à l'élévation de chacun.

Mais enfin ceci est plus pour moi un prétexte pour s'en servir de métaphore pour tout un chacun. Rares sont les combats (pas forcément physiques) se justifiant par de bonnes raisons, et attacher du prix à dominer quelqu'un est plus à mes yeux une marque de faiblesse : un humain n'a ni a dominer, ni à se laisser dominer. Vaincre sa colère (ou ses vieilles rancunes) est une plus belle victoire sur le plus grand de nos adversaires : soi-même.

Autre texte envisagé : La Victoire, c'est raccrocher les gants.