des Choses à Dire

44 - Some Day My Prince Will Come

 

 

 

 

Mai 2011. Carton, satin, poupée et lettres plastiques, colle à bois.

Lorsque la représentation est forte, on hésite à faire des commentaires. Mais ça fait partie du travail et je n'aime pas trop les créateurs qui se défilent derrière leur alibi artistique. Je n'aime pas plus lorsque le public réclame des explications ! pour comprendre... Chacun comprend ce qu'il veut, selon ce qu'il est (il serait vain d'imposer ses vues à qui que ce soit), et chaque compréhension est donc valable. Le point de vue de l'artiste, sa motivation, c'est intéressant, historiquement, mais reste relativement anecdotique.

Sache donc que j'ai voulu aborder l'aussi douloureux que délicat thème de l'enfance martyre, dans l'aspect de la chosification sexuelle. Cela comprend l'extrême de la présente représentation, mais aussi sans qu'il y ait nécessairement passage à l'acte, avec par exemple les épouvantables "concours de mini-miss"... ou encore la publicité qui participe, sournoisement mais à grande échelle (et sans honte), à la sexualisation des enfants. Idem pour la télé, en général. La dimension sexuelle existe dans l'enfance, c'est évident, mais elle ne regarde ni ne concerne que l'enfant lui-même.

Néanmoins, on peut avoir de cette œuvre une vision sensiblement plus légère ! Un ami m'a dit que ça lui faisait penser à un certain nombre de femmes avec lesquelles il fut en relation (sur des sites de rencontre), celles-ci rêvant (encore et toujours) de la fameuse venue du non moins fameux "prince charmant"...

C'est la deuxième Chose à Dire dont le texte n'est pas en français (la 22 est en latin), et j'aimerai assez en faire plus dans diverses langues (ou des versions traduites). C'est aussi la quatrième qui reprend une chanson (après la 8, la 27 et la 39 – plus un détournement avec la 21) ; c'est parce que j'aime bien les chansons et que ça permet d'en dire plus. C'est par respect pour la version originale que j'ai gardé le titre américain, mais aussi pour le jeu de mot, assez en rapport, offrant encore une autre lecture.

J'ai beaucoup hésité – depuis des années – avant de faire quelque chose dans ce genre. Certes, la Chose à Dire 8 abordait le sujet de manière forte, mais détournée, et j'étais tenté d'y revenir en voyant souvent, dans les vide greniers, de ces têtes de poupées à coiffer que je trouvais assez horrifiantes – d'autant plus lorsqu'elles sont esquintées – trop, sans doute, pour ma sensibilité. Qui plus est, la réalisation incite de facto à un certain voyeurisme, non moins glauque, n'ayant jamais cru au principe – si souvent employé (comme alibi) au cinéma – consistant à montrer l'horreur pour la "dénoncer". Dès qu'on montre quelque chose, on en fait la promo… Alors pourquoi avoir quand même passé outre mes prévenances et mes analyses ? C'est qu'on est ici dans le domaine de l'art ! et non du divertissement… comme 90% du cinéma. C'est ce qu'on appelle : une figure ; voire : une nature morte… Je ne fais pas plus une œuvre morale que perverse : je fais une œuvre, point, et ce qu'il en découle ne coule pas sur moi, mais dans les yeux de qui regarde ça, en face.